des contes de Lola

des contes de Lola Dogo Canario

Dogo Canario

Le Perro de Presa Canario des années 1900 aux années 1970

Le Perro de Presa Canario des années 1900 aux années 1970

De nos jours, le Perro de presa canario séduit. De plus en plus de personnes de par le monde s’entichent de ce chien puissant et digne de confiance ; et ce, malgré un passé connu de chien de combat, pour lequel il est indéniable qu’il garde toujours aujourd’hui un fort atavisme.



En 1982, Manuel Curto Gracia écrivit un article complet sur le chien de prise des Canaries, paru dans le journal quotidien « El Dia », de Tenerife, article repris dans une version abrégée dans le magazine canin « El Mundo », de Madrid l’année d’après dans lequel on lit : « Les Anglais semblent être ceux qui ont transmit leur penchant pour les combats de chiens aux Canariens. Ils apportèrent avec eux leurs Mastiffs, déjà célèbres pour être de bons combattants du temps de César, leurs impitoyables bull-terriers, connus à cette époque pour leur témérité et leur faculté de vaincre des chiens bien plus grands qu’eux, leurs bullmastiffs, leurs bouledogues… » . 



De l’aveu de l’auteur, cette théorie ne tient sur aucune base solide, extraite d’aucune recherche. En fait, sa connaissance de l’histoire des îles canaries (d’où il est originaire) était pauvre, il ne savait rien des accords et des ordonnances de Ténérife et de Fuertaventura,  très instructifs sur la diversité des races  présentes dès les premières années de la conquête et de la colonisation des îles. Il est important de noter que cette théorie, bien que le premier à l’avoir étayé puis à l’avoir porter en faux, a été reprise par de nombreux auteurs et persiste encore aujourd’hui. La pratique des combats de chiens avant le XXème siècle est improuvable, même s’il est probable que les premiers combats aux îles Canaries aient été organisés par les Anglais.



Ce qui est notable dans les Canaries des années 1900 à 1950, c’étaient ces grandes fêtes durant lesquelles on organisait des combats de chiens, mais aussi de moutons et de coqs. Cependant, à l’instar des combats organisés en Angleterre, les combats pratiqués dans les îles Canaries ne reposaient pas sur les paris et l’appât du gain mais sur la simple jouissance de posséder l’animal le plus fort.

 

Au début des années 70, les seuls presas que l’on retrouvait sur les îles de Gran Canary et Ténérife étaient des bâtards que les gens du pays appelaient Perros de presa, ce nom désignait tous les chiens qui ressemblaient aux chiens de bétails, croisés ou non, locaux ou étrangers. Les chiens de bétail et les combats de chiens faisaient part intégrante du passé.



Dans son livre « Perro de Presa Canario », Manuel Curto Gracia témoigne et nous raconte ses recherches : « Les chiens que j’ai pu rencontrer étaient des bulldogs anglais mâtinés à des grand danois et/ou des Boxers. J’ai erré et erré dans les îles, à l’exception de Las palmas. J’ai interviewé beaucoup d’anciens qui possédèrent des chiens de bétail, mais nombre de mes recherches restèrent infructueuses. De nombreux Canariens paraissaient déçus de ne plus voir de presa comme il en existait avant. J’ai demandé à chaque personne qui me parlait du presa des photos pour les chiens dont ils me parlaient. J’étais à la recherche d’un chien mythique en allant de villes en villes, de maison en maison, de personnes en personnes, mais aucun résultat n’aboutit de mes investigations.».


Le tout premier document qui relate des presas date de 1976, il s’agit du premier projet de standard publié dans El Dia (journal quotidien de Tenerife). Avant cette date, on ne retrouve aucun écrit sur la race.



Néanmoins, Manuel Curto Gracia a tout de même réussi à obtenir des informations intéressantes à partir d’interview avec des personnes âgées qui ont connu les presas et les derniers combats de chien.

 

Ici son interview avec Francisco Saavedra y Bolanos :

« MCG - Vous souvenez vous du premier combat de chiens de prise que vous avez vu ?

FSB - Oui, c’était en 1928, j’avais 14 ans, le chien s’appelait Negro. Negro était un très brave chien.

MCG - A quoi ressemblait ces chiens de prise ?

FSB - Ils ne ressemblaient pas aux vieux presas

MCG - Qui organisait les combats ?

FSB - Personne. Vous aviez un chien, j’en avais un et, quant l’envie se faisait sentir, nous les confrontions pour qu’ils se battent.

MCG - Pariait on lors des combats ?

FSB - Non. On organisait les combat pour savoir quel chien était le plus fort. Rien d’autre n’importait.

MCG - Avec quels races étrangères étaient croisées les chiens locaux à cette époque ?

FSB - Des Bull terriers, des bulldogs, des grands danois.

MCG - Dans quel but vous les croisiez ?

FSB - Pour qu’ils soient plus beaux et plus fort.

MCG - Vous souvenez vous de votre dernier Perro de Presa typique ? Pouvez vous, s’il vous plait, le décrire ?

FSB - Le « Perro de Tierro » (Chien de terre) était costaud, avec de longues babines, une tête énorme et un poitrail large. Je n’avais que quatre ou cinq ans quand j’ai vu deux d’entre eux, un mâle et une femelle (frère et sœur de portée) qui appartenait respectivement à Marcos Mendoza et Antonio Enriquez. Les gens disaient que c’était des vrais presas.

MCG - Pouvez vous me dire les différences entre les Presa et les Perro de tierro ces années-là ?

FSB - Le presa avait une grosse tête, mais il n’était pas aussi gros et son poitrail était large. Les Perro de Tierro ressemblaient plus aux « Majorero » (chiens de bétail), mais plus grands peut être. C’était une sorte de chien que l’on utilisait pour conduire le bétail. »

 

Ici son interview avec Salvador Hernández Rodríguez, né en 1922 et qui avait assisté à un combat de chien pour la première fois en 1949 :

MCG - Lesquels de vos chiens était vos meilleurs chiens de prise ?

SHR - Mon meilleur chien était Nerón. Ce chien était mâtiné de sang étranger. Puis, est venu Negrito, un chien noir. Et Merenes : pour celui-là, j’ai payé 1400 pesetas. C’était un chien formidable. Dans ces années-là, on pouvait avoir un joug pour les bœufs à ce prix.

MCG - Quelles races étrangères étaient croisées avec les chiens locaux dans ces années-là ?

SHR - Bulldogs, Bull Terrier, Grand Danois. Mais ces croisements dépréciaient la valeur du chien.

MCG - Pourquoi les croisiez-vous ?

SHR - Pour en faire des chiens plus grands, nous les croisions avec des grand danois. Pour les rendre plus courageux, nous utilisions les Bull Terrier ; et pour les rendre plus courageux et augmenter leurs capacités de prise, nous nous servions de bull-dogs. Mais c’était une erreur.

MCG - Pouvez-vous vous souvenir du dernier perro de presa typique que vous ayez vu ?

SHR - Oui. Molone, un mâle. C’était un chien bringé foncé d’approximativement 45 kilos. J’ai gagné 3 trophées avec ce chien dans des expositions organisées par l’hôtel de ville. Il y avait des expositions pour les chiens, les vaches et les moutons. Ce chien avait une grosse tête et un large poitrail.

 

Ici son interview avec Demetrio Trujillo Rodríguez, né en 1928, qui à l’âge de 8 ans, a vu son premier combat de chien :

MCG - Quelles races étrangères étaient croisées aux chiens locaux dans les années 30 ?

DTR - Ils étaient mâtinés avec des bulldogs, Bull Terriers et Grands Danois.

MCG - Pourquoi faisiez-vous ces croisements ?

DTR - Parce que nous obtenions des chiens plus puissants avec des poitrails plus larges et des têtes énormes.

MCG - Pouvez-vous vous souvenir du dernier presa typique que vous ayez vu ?

DTR - Je ne me souviens d’aucun perro de presa. Dans ces années-là, tous les chiens avaient déjà été croisés avec des races étrangères.

MCG - Pouvez-vous m’expliquer la différence entre un perro de tierra (chien de terre) et un chien de prise ?

DTR - Je ne peux pas vous le dire parce que je n’ai jamais vu un réel chien de prise ici.

 

De tous les propriétaires âgés de presa ou preseros que Manuel Curto Gracia a interviewé, le plus intéressant selon lui était Polo Acosta y Acosta. Il s’y connaissait beaucoup à propos des troupeaux de vaches et de moutons locaux, des combats de coqs et des pechadas (combats de chiens avec des presas).

Ici son interview avec lui :

PAA -  Oui, Don Manuel, il n’y a plus de presas comme ceux qui ont existés.

A-t-il dit l’air frustré. Il a raconté des histoires de sa jeunesse à propos de chiens et de combats de chiens. Il m’a parlé de Marruecos, un chien que Juan el Marchante avait acheté pour lui :

PAA -  Le meilleur chien de prise que j’ai jamais eu de ma vie – il n’avait aucun rival. Il est mort attaché à un grand châtaignier, tout près de là où tu vis, là-haut à Ortigal. On vivait là avant, dans cette petite maison maintenant recouverte de ronces qui s’est effondrée il y a longtemps. Ce chien était issu d’un Bull Terrier et d’une femelle perro de tierra.

A ce qu’a dit Polo Acosta, il n’a jamais vu d’anciens chiens de prise. Tous ses chiens étaient issus de croisements avec des grands danois, des bulldogs anglais, des mâtins espagnols ou des chiens de troupeaux locaux. Il m’a dit qu’à côté de l’abattoir municipal de Santa Cruz, il y avait ce qu’on appelait une « écurie » de chiens, où des chiens de différentes races, appartenant à différentes personnes, étaient gardés pour faire des croisements afin de produire des chiens utilisés dans les combats. C’est de là que les meilleurs chiens de prise de Tenerife venaient. "


Du début des années 20 jusque dans les années 40, le trafic de chiens de prise était une pratique courante. Les fans de combats de chiens étaient toujours à la recherche du chien imbattable et, dans ce but, ils croisaient différentes races. Aucun des vieux sélectionneurs de chiens que Manuel Curto a interviewé dans le début des années 70, et ce jusqu’à la fin des années 90, ne connaissaient ou n’avait entendu parlé de races modernes telles que le mastiff anglais, le bullmastiff, l’American Staffordshire terrier, le Staffordshire bull terrier, le mâtin napolitain ou encore le dogue de bordeaux.